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Qu'est-ce qu'un groupe ?

Un ensemble de personnes partageant un certain nombre de caractéristiques (valeurs, normes, intérêts...) et poursuivant généralement un but commun (K.Lewin).

Tout regroupement de personnes n'est pas un groupe (ex. des passants dans la rue). Le concept de groupe implique une interdépendance et une interaction entre les individus.

Par ailleurs, le groupe se définit et se construit également par opposition et comparaison aux « autres » groupes.

In fine, le groupe se définit donc par un ensemble de facteurs internes (aux individus et au groupe en lui-même) et externes (les autres groupes, la situation, le contexte).

Fonctions des groupes

Les groupes ont la fonction suivante :

  • construction identitaire,

  • La régulation des échanges dans la société et la construction de structures sociétales permettant la communication et l'interaction avec le monde (rôles, statuts, normes, représentations...)

  • La résolution de problèmes et l'exécution de tâches complexes qui demandent de la coordination et de la coopération.

 

Caractéristiques des groupes

Les groupes se caractérisent par leur organisation, leur taille et le type d’interactions entre ses membres.

 

                                                              Organisation         Participants                                           Interactions

La foule                                                Très faible             Très nombreux                                     Partage des émotions

La bande                                              Faible                     Peu                                                        Recherche du semblable

Le groupement                                    Moyen                    Variable suivant les buts       Relations humaines superficielles

Groupe primaire (ou restreint)          Élevé                       Peu                                           Actions importantes/novatrices

Groupe secondaire (organisation)    Très élevé               Variable                                                Actions planifiées,

                                                                                                                                                            échanges  structurés

 

On distingue les groupes d'appartenance (Codol, 1979, 1984) et de non-appartenance (Tajfel, la catégorisation, 1972). Les groupes d'appartenance sont, par définition, ceux auxquels on appartient ; les groupes de non-appartenance sont tous les autres.

On peut également distinguer les groupes de référence et les groupes de non-référence (Sheriff, 1956).

Les groupes de références sont ceux auxquels on aspire, de par leurs valeurs, etc., les groupes de non-référence sont ceux qui nous sont éloignés ou que l’on évite.

Par comparaison sociale, nous allons systématiquement tendre vers nos groupes de référence et tâcher de creuser l'écart avec les groupes de non-référence. Cette comparaison nous amène à caler nos attitudes par rapport à nos groupes de référence.

Ex : des soldats Américains noirs du sud et ceux du nord pendant la guerre de sécession : ceux du sud étaient moins sensibles à la pression car tous comparaient leur situation avec celle de ceux restés au pays.

Il arrive parfois que le groupe d'appartenance soit un groupe de non-référence (ex. la famille), ce qui génère des tensions cognitives et psychiques (cf. aussi « la dissonance cognitive », plus loin dans ce fascicule).

Phénomènes de groupe

Des phénomènes de groupe apparaissent à partir de 3 individus. Ils sont variables suivant la tâche et le type de groupe. On peut par exemple observer :

  • L'émergence d'un leader et d'autres rôles au sein du groupe,

  • l'identification des membres les uns aux autres,

  • l'adhésion à des normes, valeurs, représentations sociales partagées par le groupe.

Des expériences ont permis de mettre en évidence d’autres phénomènes de groupes sur les membres du groupe et le type d’interaction entre les membres du groupe.

 

La motivation sociale

On a commencé  à s'intéresser à la dynamique de groupe comme sujet d'étude lors d'une expérience béhavioriste (sur le modèle Taylorien) dans une usine de fabrication de boitiers électriques (E. Mayo et la Westen Electric)  : les ouvrières qui ont participé à l'expérience ont vu leur productivité s'accroître juste en raison des conditions particulières sociales dont elles bénéficiaient pendant l'expérience (prestige, création de liens entre elles, style de management très différent).

D'autres expériences ont prouvé que la simple présence d'un auditeur augmentait le nombre de réponses dominantes de l'individu au travail sur une tâche donnée. On parle de facilitation sociale. Nota : si l'individu est peu performant dans la tâche, il sera encore moins performant (on augmente le nombre de réponses dominantes...) !

La coaction, c'est-à-dire le fait de réaliser en parallèle la même tâche, augmente considérablement la performance également, sous réserve que les individus aient à peu près le même niveau (Zajonc). Ex. la course à pied, l'athlétisme, etc.

 

L'influence

1 - La résistance aux changements

L’expérience de Bavelas : Afin de changer les habitudes alimentaires des ménagères Américaines et les inciter à utiliser davantage de produits à « mauvaise réputation » (foie, abats, etc.), des sessions d'information ont été mises en place. Les conférences ont eu très peu d'impact, alors que, lors des sessions de débat-discussion dans lesquelles les ménagères exprimaient leur point de vue à même niveau que les professionnels, les changements d'attitudes furent dix fois plus nombreux ! (aujourd'hui cette méthode est toujours utilisée sous le nom de « réunion tupperware »).

2 - L'influence majoritaire

La normalisation (Sheriff et l'effet auto-cinétique) : Des sujets devant décider du déplacement supposé d'un point lumineux dans une pièce adoptent très rapidement une norme commune dès qu'ils échangent entre eux. Cette norme influence ensuite leurs appréciations individuelles même en l'absence des autres membres du groupe. 

  Le conformisme (Ash et les bâtonnets) : Voulant prouver que l'être humain ne se laisse pas abuser si facilement par la pression sociale, Ash va monter une expérience qui prouvera exactement le contraire ! 8 sujets doivent donner leur avis l'un après l'autre et à voix haute sur la concordance entre un bâtonnet d'une certaine longueur et 3 bâtonnets de longueurs très différentes (mais dont l'un correspond au bâtonnet présenté). Lorsque le groupe donne unanimement la mauvaise réponse, le seul participant qui est contre cette mauvaise réponse à tendance à s'aligner (1 sujet sur 3) voire à donner la mauvaise réponse intermédiaire. L’explication est simple : il y a 7 complices de l'expérimentateur, et 1 seul sujet testé.

3 - L'influence minoritaire

        Le processus d’influence minoritaire est celui que l’on observe dans le film 12 hommes en colère (Sydney Lumet, 1955), dans lequel un jury doit statuer sur le cas d'un jeune homme accusé du meurtre de son père. Onze des douze jurés le croient coupable, mais le douzième a des doutes et va faire changer d'avis les onze autres un par un.

  L’expérience de l'illusion perceptive bleue/verte de Moscovici, Lage et Naffrechoux (1969) aborde également ce processus.

Sur des carrés de couleur allant du bleu au vert de façon graduelle (et passant donc par un turquoise difficile à rattacher de façon certaine à l'un ou l'autre), un complice garde le plus longtemps possible comme réponse la couleur précédente. Ces réponses influencent le reste du groupe qui met plus longtemps à exprimer le changement de couleur que dans un groupe sans influence.

Cette influence fonctionne également sur des opinions plus complexes mais l'influence minoritaire n'est pleinement efficace que lorsque la minorité active :

  • est en désaccord avec la majorité

  • appartient pleinement au groupe

  • ne semble pas sous l'influence d'une autorité extérieure (est indépendant)

  • est convaincu de sa position mais également capable de dialogue

  • expose un point de vue cohérent, argumenté.

 

 

La prise de décision en groupe

  La prise de décision en groupe est potentiellement supérieure à  la décision individuelle car plus riche en arguments et points de vue permettant de jauger la situation. Elle dépend de plusieurs facteurs :

  • le type de tâche (Steiner, 1972 : disjonctive, conjonctive, additive, élaborative) et son degré d'incertitude (Faucheux et Moscovici, 1960 ; faible incertitude = organisation centralisée),

  • la taille du groupe (Festinger, 1950 : entre 3 et 15, au-delà cela peut mener à la formation de sous-groupes, diminuer la cohésion, la production et la satisfaction du groupe),

  • la cohésion (le degré d'attraction des membres du groupe, dépend notamment de l'image du groupe et peut être accru par la menace – ex. compétition avec autre groupe)

 

Les décisions absurdes

On observe des décisions absurdes (Janis)  dans les groupes cohésifs ayant à prendre des décisions dans des contextes stressants, sous la direction d'un leader autoritaire et impartial.

Lorsque les membres du groupe partagent une même orientation normative forte, la polarisation des points de vue convergents peut aboutir à des décisions plus risquées (voire inadaptées) que celles que chaque membre aurait prises individuellement.

Deux raisons peuvent expliquer ces résultats : d’une part la comparaison sociale (chacun trouve chez les autres membres du groupe des éléments qui confortent et renforcent leur idée initiale) et d’autre part l’autocatégorisation (Turner, 1991, les participants prennent leur décision non pas en fonction de leur propre réflexion mais de manière à exprimer la norme du groupe). Cette position peut  s’avérer extrême car elle doit différencier le groupe des autres groupes. 

D’autres facteurs influencent les décisions absurdes et la persévérance dans l'erreur : la dissonance cognitive (Festinger) et les théories de l'engagement.

  

 

La dissonance cognitive

Elle a été  mise en évidence par Festinger en 1957 à propos d’un secte. Initialement secrète et limitée à une élite triée sur le volet par la gourou de la secte, cette secte s'est finalement révélée au grand jour après l'échec de ses prédictions.

Ce groupe croyait que la fin du monde était proche et qu’une soucoupe devait venir les chercher pour les sauver juste avant la fin du monde. Cette soucoupe n'est jamais arrivée et la maître de la secte en a déduit que leur ferveur avait permis que le monde ne soit pas détruit et qu’il n’y ait donc pas besoin de soucoupe. Il devient alors logique d’en faire part au monde afin de partager cette croyance et la rendre plus forte.

La dissonance cognitive est un phénomène psychologique individuel (mais lié  à la comparaison sociale) qui se produit lorsque l'individu se retrouve confronté à une situation ou une information qui rentre en contradiction avec son système de pensée et/ou sa croyance. La tension provoquée par cette situation met généralement en branle un ensemble de mécanismes de défense destiné à rétablir l'équilibre psychique.

Mécanismes de protection des croyances

Ces mécanismes de protection cherchent à maintenir le plus longtemps possible la croyance antérieure et la stabilité du système cognitif lorsque celui-ci est confronté à des informations contradictoires.

Il existe plusieurs niveaux de mécanismes :

  • Les premiers niveaux agissent au niveau cognitif simple : on ne perçoit même pas l'information contradictoire ou on la perçoit, mais on l’oublie rapidement,

  • A un niveau supérieur, on va nier et dénigrer l'information (ou sa source). On peut également altérer l'information (cela offre éventuellement une porte de sortie : « on s'est mal compris, on était d'accord en fait... » ou bien « si, c'est ce que tu as dit mais tu t'es mal exprimé ! C'est pour ça que je n'étais pas d'accord... »)

  • Enfin, quand tout cela ne suffit pas, on peut multiplier les conduites et la production d'informations en faveur de nos croyances antérieures. C'est aussi ce qui va provoquer la persévérance dans l'erreur.

  En fait, plus il y a d'éléments en faveur de notre croyance, plus cela rend l'information contradictoire insignifiante, même si à elle seule elle invalide l'intégralité de la croyance... Par ailleurs, on persévère parfois en espérant, qu'à la fin, les faits nous donneront raison et que cela justifiera notre obstination. C’est ce qui se trame dans l’expérience de Milgram sur l’obéissance : beaucoup vont jusqu'au bout de l'expérience en espérant que cela trouvera du sens à la fin alors qu'ils s'aperçoivent très rapidement de la barbarie de ce qu'ils font)

 

Les relations entre groupes

  Quelques expériences qui évoquent le type de relations entre groupes et plus particulièrement comment, lorsqu’un individu se compare avec d’autres groupes, cela influence la prise de décision et sa représentation du monde et ses décisions.

Le favoritisme intragroupe

L'échelle de rémunération (Tajfel, 1981) : A des groupes formés par rapport à des caractéristiques fictivement communes, on demande de choisir une rémunération pour eux et les membres de l'autre groupe à partir d'une matrice (en haut ce qu'ils gagnent, en bas ce que les autres gagnent).

      Ce qu’ils gagnent :    7 / 8 / 9 / 10 / 11 / 12

     Ce que les autres gagnent :  1 / 3 / 5 / 7 / 9 / 11

On s'aperçoit que c'est le couple le plus bas qui est généralement choisi (7 /1) : non pas celui qui nous fait gagner le plus (12/11), mais celui qui marque le plus la différence avec l'autre groupe.

La concurrence intergroupe

(Robbie et Horwitz, 1979) : Des groupes plus ou moins bien rémunérés doivent leur opinion sur leur propre groupe et les autres groupes.

Suivant les conditions (qui marquent plus ou moins la différence avec les autres groupes en terme de rémunérations), il apparaît que les groupes les moins favorisés ayant connaissance que les autres groupes ont été  plus rémunérés qu'eux ont une opinion plus négative des ces autres groupes et davantage positive de leur propre groupe, et vice-versa. En revanche, l'ignorance de ce que les autres groupes ont pu avoir comme rémunération induit moins de jugements tranchés ou négatifs sur son groupe et les autres groupes.

  
La compétition intergroupe

(Sheriff, 1979) : le camp de vacances.

Dans une première phase, les enfants sont séparés en deux groupes qui auront des tâches compétitives (ou du moins séparées) à effectuer. Nota : un questionnaire sociométrique préalable permet de repérer les « meilleurs amis » et de les séparer en les mettant dans des groupes différents dès le départ.

Très rapidement des conflits éclatent entre les groupes et un très fort esprit de groupe apparaît.

Dans un deuxième temps, pour « réconcilier » les groupes, la seule activité efficace se révèle être des tâches coopératives dans lesquelles aucun groupe ne peut s'en sortir sans faire appel à l'autre groupe. Ce qui est important à noter c'est que les simples tâches d'activités communes se révèlent insuffisantes pour réduire la tension.

  
 
La créativité  compétitive

(Turner et Brown, 1978 ; Lemaine, 1974) : Dans une tâche de construction de cabanes, les groupes défavorisés qui ont moins de moyens pour atteindre leur objectif, transforment le sens de la tâche - « ce sont des jardins ! ».  

Ces éléments de réflexion mettent en évidence l’influence du groupe sur l’individu. L’identité se construit par rapport à l'autre et dans nos interactions avec les autres. En ceci, le groupe est extrêmement important et influent sur l'individu qui lui-même apporte quelque chose au groupe et est susceptible de l'influencer. Ces influences sont le plus souvent inconscientes et peuvent nous laisser dans l’illusion de l’individu pensant par lui-même de façon libre et autonome.

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